Les sources pour l’étude de la société corse des XVIe-XVIIIe siècles sont le plus souvent dispersées dans des fonds variés. Aussi, l’ensemble cohérent des quatre visites apostoliques menées dans l’île à cette époque est spécialement précieux pour la recherche en histoire sociale comme pour la mise en valeur et la conservation du patrimoine. Ordonnées par le Saint-Siège, à la différence des visites pastorales effectuées par l’évêque du diocèse, leurs comptes-rendus sont un poste d’observation des changements sociaux et culturels liés à la Contre-Réforme. Les visites apostoliques sont en effet un des plus puissants instruments de contrôle employés pour la mise en œuvre des réformes du Concile de Trente (1545-1563). Celles que nous publions sont conservées à Rome à l’Archivio Segreto Vaticano et à la Bibliothèque Casanatense.
En quoi consiste une visite ?
Le visiteur, un évêque étranger aux diocèses visités, muni d’un formulaire qui encadre son action, inspecte l’église du lieu et son mobilier, le cimetière, s’inquiète de l’instruction et du mode de vie du curé, de certains conflits en cours, des finances de la paroisse, des legs pieux, et aussi bien de la population du village et de certaines pratiques rituelles. Quelquefois, il s’intéresse aux couvents, souvent franciscains ou servites. Bien sûr, toutes les visites ne sont pas aussi complètes, les sources couvrant certains diocèses ou certains villages ayant disparu, mais certaines offrent parfois une richesse de détails inattendue.
Quatre visites pour cinq diocèses
La Corse des XVIe-XVIIIe siècles était divisée en près de 400 paroisses situées dans cinq diocèses : Mariana et Accia, Sagone, Aleria, Ajaccio, Nebbio. Bonifacio appartenait au diocèse de Gênes. La première visite a été menée par Nicolao Mascardi entre 1586 et 1590, mais évêque de Mariana et Accia, il ne visita pas son propre diocèse. En 1616, c’était le tour de Geronimo Curlo, évêque de Vintimille, qui nous laisse un document en fort mauvais état et incomplet, limité aux diocèses de Mariana et d'Aleria. Giovanni Battista Spinola, évêque de Luni et Sarzana, offre en 1686 la seule visite à couvrir l’île entière, y compris Bonifacio. Enfin, Cesare Crescenzio De Angelis et Tomaso Struzzieri ont mené entre 1760 et 1770 une visite dans le contexte éminemment politique des révolutions qui animaient la Corse depuis une trentaine d’années.
Un projet historien et patrimonial
Le programme de numérisation, transcription et traduction des visites apostoliques de Corse ayant été financé entre 2013 et 2015 par le Pays de Balagne dans le cadre d’un programme européen, ce site, construit par cinq étudiants du mastère Culture et Métiers du Web au sein du laboratoire ACP de l’Université de Marne la Vallée, propose la transcription et la traduction des visites effectuées dans les 36 communes actuelles de Balagne. Il offre également les numérisations de la visite très complète de 1686 pour les cinq diocèses de l’île et Bonifacio. Sous la direction scientifique d’Antoine Franzini et Louis Belgodere de Bagnaja, la transcription a été assurée par Odir Dias et la traduction depuis le latin par Armelle Le Huërou.
Crédits photos : Christian Andreani et le Service de l’Inventaire de la Collectivité Territoriale de Corse.
Crédits photos pour les clichés de la visite de 1686 : Biblioteca Casanatense, Via S. Ignazio, 52, Roma, mss. 204-205, 371 (Autorisation n° MIBACT-B-CASA/BC/0000709 16/11/2016/CI.28.04. 16/6).
Conseils pour la lecture
Les auteurs de ce site ont eu à cœur de mettre à la disposition d’un large public la source fondamentale des quatre visites apostoliques pour la Corse des XVIe-XVIIIe siècles. Pour autant, en raison des obstacles rencontrés aux différentes étapes de cette édition scientifique, il semble nécessaire d’avertir le lecteur des imperfections et des difficultés qu’il pourrait rencontrer et de l’orienter par quelques conseils.
1 – Pour faire une recherche sur les fichiers « textes » documentant les 36 communes actuelles du Pays de Balagne
Le lecteur peut accéder pour chacune des quatre visites apostoliques aux pages « transcription » des manuscrits originaux ou aux pages « traduction » depuis le latin, réalisées à partir de ces transcriptions. Il a le choix de le faire pour chaque commune actuelle concernée ou pour l’ensemble de la Balagne (parfois en deux parties).
Le découpage d’une visite village par village est un exercice imparfait par nature. Aussi par exemple, lorsque la date ou un autre élément de contexte semblent manquer, le lecteur se reportera au fichier documentant l’ensemble de la Balagne pour la visite donnée, et il se guidera sur le numéro des folios qui sont indiqués dans le cours du texte.
Enfin, pour différentes raisons d’époque, certaines communes peuvent être absentes de telle ou telle visite ou pauvrement documentées, et le lecteur ne devra pas s’en étonner.
2 – Pour faire une recherche sur les fichiers « photos » de la visite apostolique de 1686 qui concerne tous les diocèses de Corse
Le lecteur peut accéder aux photos des manuscrits de la visite apostolique de 1686, classées par diocèse. Il sera aidé dans sa recherche par la consultation des pages « index » du manuscrit, qui orienteront sa recherche.
Il pourra également s’appuyer, pour transcrire et traduire les textes qui l’intéressent, sur les transcriptions et traductions réalisées pour le Pays de Balagne qui lui fourniront des modèles très utiles en raison du caractère répétitif de ces visites.
Le chercheur pourra aussi avoir accès à des dossiers « généralités » (décrets généraux, rapport général, généralités par diocèse) afin d’approfondir le contexte de cette visite apostolique de 1686.
Signalons enfin que l’Archivio Segreto Vaticano n’autorisant pas la mise en ligne de la numérisation de ses fonds, les manuscrits des visites apostoliques de 1586-1590, 1616 et 1760-1770 n’ont pu être mis à la disposition de l’usager du web. Seules les transcriptions et traductions réalisées pour les communes actuelles du Pays de Balagne pourront lui en donner l’idée.